Soit enfin une troisième forme du paradoxe, due à Bohm. Considérons la désintégration d'une particule de spin 0, en deux particules et toutes deux de spin .
Montrons que, sans perturber en aucune manière la particule en vol , on peut en mesurer les composantes de spin et le long des deux directions et perpendiculaires à la ligne de vol . Ici encore, il suffira pour cela de mesurer ces mêmes composantes sur la particule associée .
L'état initial, à l'instant
de la désintégration est
un état de spin total nul (
,
) et ne peut être
représenté que par le vecteur ketV8 :
désignant une direction quelconque (par exemple
ou
) de
l'espace, et :
le premier et le deuxième ket du produit tensoriel désignant respectivement les états de spin de la particule et de la particule .
Question 5-10 : Justifiez l'affirmation précédente et l'expression du vecteur ket .
Nous nous proposons de prédire avec certitude et sans aucunement agir sur la particule la valeur que l'on trouvera, si à l'instant on mesure la composante de son spin. A cet effet, il suffit à l'instant de mesurer la composante du spin de la particule . En effet, à cet instant , l'état de spin total est encore représenté par le même ket .
Question 5-11 : Justifiez l'affirmation précédente en montrant pourquoi l'état est un état stationnaire de spin.
Selon le formalisme quantique, cette mesure de
provoque à l'instant
la réduction du paquet d'ondes, et si on trouve par exemple
:
de telle sorte que la mesure ultérieure à l'instant
de
fournira avec certitude le résultat :
Si on choisit
de telle sorte que
est inférieur à la distance
qui sépare les deux particules à l'instant
, on peut être assuré que
cette valeur de
n'a pas été acquise par la particule
en conséquence d'une interaction provoquée par la mesure de
. Puisque cette valeur de
était antérieure à cette mesure
de
, et en est donc indépendante, la particule
a donc
été émise dans un état de spin tel que :
Question 5-12 : Justifiez l'affirmation précédente.
On montrerait de la même manière en mesurant que la particule a été émise avec une valeur de bien définie.
Question 5-13 : Peut-on affirmer également que la particule a été émise avec une valeur de bien définie ?
Ainsi, puisque les valeurs de et de peuvent être prédites avec certitude, et sans agir sur cette particule , il résulte du critère de réalité de Einstein que ces valeurs constituent deux éléments de réalité physique que possède en même temps cette particule .
Conformément au formalisme quantique l'état physique correspondant devrait être repré-senté par un vecteur ket qui soit en même temps état propre de et de . Or un tel vecteur ket n'existe pas.
Question 5-14 : Justifiez l'affirmation précédente et montrez que la non commutation de et ne suffit pas pour cela.
Ainsi, il existerait des états physiques de spin possèdant plus de propriétés simultanées que ne le prévoit la mécanique quantique. Ne sachant pas représenter ces états, la mécanique quantique serait donc, selon Einstein, incomplète et constituerait seulement une théorie statistique, un peu à l'image de la thermodynamique (statistique) par rapport à la mécanique de Newton, qui régit le comportement des particules constituantes du système étudié.
C'est seulement dans le chapitre VI que nous examinerons cette interprétation statistique de la mécanique quantique par Einstein, en même temps que nous examinerons les autres interprétations, et notamment celle dite de l'école de Copenhague, et comment celle-ci prétend réfuter les conclusions de Einstein.