Ici réapparait l'ancienne confrontation entre les deux concepts : onde et particule. Jusqu'ici, dans le développement du formalisme, le concept d'onde semblait avoir été abandonné, et par exemple le système physique considéré pouvait être appelé une particule, mais jamais une onde. Il en était ainsi parce que la mesure, d'une position par exemple, donne toujours un résultat localisé, qui peut être interprété comme l'impact d'une particule, mais certainement pas comme l'effet d'une onde qui remplit tout l'espace. Toutefois le comportement de l'objet particule, sans localisation ni impulsion définies d'une façon permanente, est bien différent de celui d'un objet microscopique classique. Ce comportement statistique est défini par sa fonction d'onde, qui dans le cas d'une seule particule, a la même expression mathématique que celle d'une onde qui se déplacerait dans l'espace physique à trois dimensions. Ici apparait donc l'origine de la confusion. Puisqu'un ensemble de particules indépendantesIV7 se comporte statistiquement comme un ensemble d'ondes planes, si donc on ne s'intéresse qu'aux effets statistiques moyens, tout se passe comme si on avait affaire à des ondes et on sera donc tenté de considérer ces ondes comme ayant une réalité, c'est-à-dire se déplaçant dans l'espace physique à trois dimensions. Naturellement, on sera alors tenté de chercher un support matériel à ces ondes et, par exemple pour les ondes électromagnétiques qui décrivent le mouvement du photon, on cherchera l'éther. Nous savons depuis les expériences de Michelson et Morley qu'il n'y a pas d'éther, et nous savons seulement maintenant pourquoi il n'y en a pas. Les ondes qui décrivent les états d'une particule dans la mécanique quantique non relativiste sont seulement des fonctions mathématiques définies dans l'espace mathématique de Hilbert. Ces ondes ne se propagent donc pas dans l'espace physique. Comme tout concept, elles se propagent au mieux dans le cerveau qui les invente !
Est-ce à dire que le concept d'onde a moins de réalité que celui de particule ? Le concept de réalité est lui-même bien flou et nous examinerons cette question dans le chapitre V. Disons seulement que les conflits conceptuels ne sont jamais définitivement gagnés. Lorsque la mécanique quantique devient relativiste (théorie quantique des champs) un opérateur de champ (dans la seconde quantification, la fonction d'onde devient cet opérateur) est associé à chaque point de l'espace physique. Les particules sont éphémères (création et annihilation) et deviennent seulement les quanta d'énergie de ce champ, qui de ce fait acquiert peut-être plus de réalité que ces particules.